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La Petite Italie, un lieu de mémoire unique

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Le quartier Italie, à un jet de pierre du centre de Dudelange, c’est principalement deux ruelles : la rue Gare-Usines et la rue des Minières ou comme on disait autrefois : l’Italie du bas et l’Italie du haut. On y dévale les ruelles, charmé par l’architecture pittoresque du début du siècle, on s’y promène de jour comme de nuit, la vue sur Dudelange est unique. L’endroit aussi, improbable même. Univers à part, la Petite Italie est aussi une véritable curiosité architecturale. Ce qui frappe en premier, c’est l’incroyable enchevêtrement des maisonnettes exiguës et colorées. Ici tout semble se rejoindre : les balcons, les terrasses, les escaliers, les jardinets – difficile de deviner à quelle habitation précise appartient chacun de ces éléments.

©Emile Hengen

Comme nous l’apprend Antoinette Reuter du Centre de Documentation sur les Migrations Humaines dont le siège jouxte le quartier, celui-ci est à l’image des migrations progressives qu’a connu le bassin minier. « Lieu de mémoire unique qui permet de comprendre l’inscription des migrations dans l’histoire nationale du Grand-Duché, ce quartier est inscrit sous le signe du mouvement et de la transformation : les mineurs d’origine italienne ont été les premiers à habiter le quartier à la fin du 19e siècle. Pour eux, l’intérêt était d’ordre pratique puisque le quartier était implanté entre la mine et l’usine. Au fil du temps, les premiers habitants ont pourtant peu à peu abandonné la Petite Italie dont les structures, pensées pour l’accueil des célibataires, ne conviennent pas aux familles. Ensuite, attirés par les prix abordables, les Portugais ont peu à peu racheté la majorité des maisons dans les années soixante-dix. Aujourd’hui, le quartier est habité aussi par des Chinois, des Africains et quelques Luxembourgeois. »

©Emile Hengen

Un mot d’ordre : le provisoire
Si les résidents du quartier changent d’origine au fil du temps, celui-ci n’a pour autant jamais connu de véritable rénovation dans les règles de l’art. On est loin aujourd’hui d’une gentrification du quartier : « Les habitants réparent leurs maisons comme ils peuvent, un peu ici, un peu par-là, c’est plus du bricolage qu’une rénovation profonde. C’est un quartier dans lequel on s’installe provisoirement, avant de partir, la réussite aidant, vers d’autres quartiers de la ville. Par exemple, habiter la Petite Italie n’était dans les années 1980 qu’un pis-aller honteux. Si les loyers y étaient faibles, les conditions de vie y étaient quelquefois précaires. Contrairement à Dudelange, qui est une ville avec un taux de résidents luxembourgeois plus élevé que la moyenne nationale, le quartier Italie reste le premier port d’attache des nouveaux arrivants. » précise Antoinette Reuter.

« Moi, je reste! »
Un habitant de longue date, résident luxembourgeois, glisse au détour d’une conversation en pleine rue : « Cela fait vingt-trois ans que je vis dans le quartier, rue Gare-Usines. Les Italiens sont partis depuis belle lurette. Moi, je reste ! Je connais tous les habitants, on se salue dans la rue, on se parle. Ici c’est tranquille. Bon, dans le temps il y avait plus de bistrots, c’était bien plus sympa. » En effet, les petits commerces ont déserté le quartier depuis quelques années, la densité démographique étant beaucoup plus faible qu’il a des années. Le déploiement prochain de plusieurs nouveaux quartiers aux abords la Petite Italie promet une redynamisation de l’économie locale. En attendant, le Café Inès ou le petit bar portugais sont parfaits pour se poser le temps de souffler et de se replonger dans les dédales de la Petite Italie ou d’opter pour une visite du Centre de Documentation sur les Migrations Humaines, interface entre les institutions patrimoniales (archives, bibliothèques, musées), le monde associatif, la recherche et le public généraliste.

©Emile Hengen